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Réglementation des services financiers en 2021 : reprise des activités

Auteur(s) : Victoria Graham, Elizabeth Sale, Lawrence E. Ritchie, Haley Adams

Le 13 décembre 2021

Après les tumultes de 2020, l’année 2021 a été marquée par un retour aux fonctions de réglementation et par la croissance dans certains secteurs clés. Si un retour complet à la « normale » demeure possible, les mesures provisoires ou prises en urgence ont commencé en 2021 à laisser place à de nouvelles priorités pour la planification à moyen et à long terme. Le message des organismes de réglementation et des acteurs du secteur est clair – retour à la normale ou pas, ils reprennent le cours de leurs activités. Nous présentons ci-dessous certains des jalons les plus marquants de la dernière année.

Lutte contre le blanchiment d’argent

Le 1er juin 2021, des modifications importantes aux règlements pris en application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) sont entrées en vigueur, ainsi qu’un ensemble complet de documents d’orientation nouveaux et mis à jour élaborés par le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Ces modifications ont entraîné un remaniement important du paysage de la réglementation au Canada et mis un terme au processus de modification législative et réglementaire entamé en 2019.

Les principales modifications introduites en juin comprennent plusieurs nouvelles obligations en matière de monnaies virtuelles, notamment celle de déclarer les opérations portant sur des sommes importantes et les opérations suspectes faisant appel à une monnaie virtuelle. De nouvelles obligations en matière de tenue de relevés ont également été imposées, en plus de nouvelles exigences imposées aux casinos, aux entités financières et aux entreprises de services monétaires pour leur permettre de se conformer aux exigences de déclaration relatives à la règle d’acheminement pour les transferts de monnaie virtuelle.

Les modifications comprenaient également de nouvelles obligations concernant le filtrage et la prise d’autres mesures à l’égard des personnes politiquement vulnérables et des dirigeants d’organisations internationales. Les entreprises de services monétaires étrangères sont à présent tenues de se conformer à l’ensemble des exigences de la LRPCFAT. Les obligations de conformité des entités financières en lien avec les produits de paiement prépayés sont à présent harmonisées avec les autres obligations liées aux comptes qu’ont déjà les entités financières, notamment la vérification de l’identité des titulaires de comptes et des utilisateurs de comptes, la déclaration des opérations douteuses, la tenue de relevés, etc.

Toutes les entités assujetties à des obligations en vertu de la LRPCFAT doivent à présent se conformer aux exigences de détermination des propriétaires effectifs. Des modifications ont également été apportées aux exigences portant sur la tenue de relevés et la déclaration, la mise en œuvre de la règle de 24 heures, le filtrage des relations d’affaires, le contrôle continu et les méthodes d’identification dans les procédures de connaissance du client.

Pour en savoir davantage au sujet de ces changements, et d’autres en application de la LRPCFAT en vigueur en date du 1er juin 2021, veuillez consulter le guide à l’intention des clients (en anglais seulement) que nous avons publié plus tôt en 2021 afin d’aider notre clientèle à se familiariser avec le nouveau régime. Un complément d’information sur l’incidence de ces règles sur les monnaies virtuelles se trouve dans notre article Décodage de la cryptomonnaie – clarification de la réglementation pour les entreprises de cryptoactifs.

Un autre événement digne de mention dans la sphère de la lutte contre le blanchiment d’argent a été l’annonce par le gouvernement du Canada de l’ouverture d’un nouveau registre de propriétaires effectifs pour les sociétés au Canada. Des détails complémentaires figurent dans notre article Droit pénal des affaires : augmentation des risques et des activités d’application de la loi.

Pendant ce temps, au palier provincial, le 3 juin 2021, le Québec adoptait le projet de loi no 78, Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises, en vertu de laquelle l’information sur les propriétaires effectifs est dorénavant accessible dans le Registre des entreprises du Québec.

L’activité de réglementation des paiements s’accélère

Loi sur les activités associées aux paiements de détail

La Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAAPD) a été introduite dans le projet de loi sur le budget fédéral déposé le 19 avril 2021 et approuvé par le Parlement le 29 juin 2021. L’entrée en vigueur de la LAAPD entraînera des changements radicaux dans le secteur des paiements qui, jusqu’ici, n’était que peu réglementé au Canada en dehors des banques et d’autres institutions financières réglementées.

La LAAPD positionne les paiements comme une question de compétence fédérale. Il est affirmé dans son préambule qu’il est dans l’intérêt national de faire face aux risques liés à la sécurité nationale que pourraient poser les fournisseurs de services de paiement, d’atténuer les risques opérationnels et de protéger les fonds des utilisateurs finaux. La LAAPD s’appliquera aux activités associées aux paiements de détail exécutées par les fournisseurs de services de paiement ayant un établissement au Canada ou qui offrent des activités associées aux paiements de détail à l’intention des personnes physiques ou entités se trouvant au Canada, sous réserve de certaines exclusions importantes. Sont exclues du nouveau régime les entités dont les fonctions de paiement sont accessoires à d’autres services ou activités commerciales, les entités financières réglementées, les produits de paiement prépayés, les transactions par guichet automatique, les transferts électroniques de fonds exécutés à l’aide d’un système désigné, certains contrats financiers admissibles et des opérations relatives à des valeurs mobilières, ainsi que les mandataires des fournisseurs de services de paiement.

Il reste encore de nombreuses étapes à franchir, y compris l’adoption du règlement de mise en œuvre du nouveau cadre législatif et la publication du document d’orientation réglementaire connexe. La LAAPD imposera au minimum aux fournisseurs de services de paiement l’obligation de s’enregistrer auprès de la Banque du Canada, d’atténuer les risques opérationnels, de protéger les fonds des utilisateurs finaux et d’aviser la Banque du Canada de tout incident ayant des répercussions importantes sur les utilisateurs finaux, les autres fournisseurs de services de paiement ou les chambres de compensation. De plus amples renseignements sur la LAAPD figurent dans notre bulletin d’actualités Osler.

Modernisation des paiements

Le 1er septembre 2021, dans le cadre de son initiative de modernisation des paiements, Paiements Canada a annoncé le lancement de Lynx, qui remplace le Système de transfert de paiement de grande valeur pour la compensation et le règlement des paiements de grande valeur. Lynx traite les paiements de grande valeur par virement électronique en effectuant le règlement en temps réel et offre des capacités de cybersécurité améliorées.

Une deuxième version du système Lynx, actuellement prévue pour la fin de 2022, introduira la norme mondiale applicable aux messages de paiement ISO 20022 pour les paiements de grande valeur. L’adoption de cette norme permettra à Lynx d’aider les institutions financières canadiennes à se conformer aux exigences imposées à l’échelle mondiale par la norme ISO 20022 entrant en vigueur en novembre 2022. De surcroît, l’adoption de la norme de messagerie ISO 20022 permettra une meilleure compréhension de la gestion de la trésorerie, une réduction des interventions manuelles et une visibilité accrue de la chaîne de valeur.

Le 28 septembre 2021, Paiements Canada a annoncé que Citibank, N.A. participait désormais à Lynx et se joignait ainsi à 16 autres institutions financières ayant pris part au lancement initial de Lynx. Pendant ce temps, la Compagnie de fiducie Peoples recevait le feu vert de Paiements Canada pour devenir un nouvel adhérent au système de lots de détail de Paiement Canada, le Système automatisé de compensation et de règlement (SACR).

Les acteurs de l’industrie ont tout intérêt à surveiller de près la mise en œuvre en 2022 du nouveau système de paiements en temps réel (PTR). Le PTR est un projet phare de modernisation des paiements de Paiements Canada. Il suit des tendances semblables à celles de Lynx, à ceci près qu’un nombre plus élevé de participants pourraient accéder au système aux termes d’un cadre devant être établi en application de la LAAPD.

Système bancaire ouvert

Le 4 août 2021, le Comité consultatif sur le système bancaire ouvert (le « Comité ») a publié son Rapport final, qui comprend 34 recommandations sur la mise en œuvre d’un système bancaire ouvert au Canada et une feuille de route permettant d’atteindre cet objectif en l’espace de 18 mois. Le Rapport final recommande l’établissement de règles communes pour assurer la protection des consommateurs en donnant la priorité aux enjeux de responsabilité, de protection des renseignements personnels et de sécurité, à un système d’accréditation des tiers fournisseurs de services accédant au système bancaire ouvert et à des spécifications techniques assurant la transmission des données de façon sécurisée et efficiente.

Pour la mise en œuvre de ce cadre, le Comité consultatif a recommandé l’adoption d’une approche en deux phases. La première phase, devant prendre fin en janvier 2023, prévoit le déploiement initial d’un système à faible risque ayant une portée et des fonctionnalités restreintes. Par la suite, la portée du système pourra être élargie après la période de mise en œuvre initiale.

Même si un premier cadre a, à présent, été recommandé, il reste beaucoup à faire avant que celui-ci puisse être mis en œuvre au Canada. Pour en savoir plus sur le rapport du Comité, veuillez consulter notre Bulletin d’actualités Osler (en anglais seulement).

Cryptomonnaies

La croissance fulgurante du recours aux cryptomonnaies et aux actifs numériques a des répercussions majeures sur le secteur des services financiers. Pour l’heure, la nouvelle réglementation ciblant cette sphère est principalement gérée par les autorités de réglementation des valeurs mobilières (sauf en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, comme nous l’avons mentionné plus haut). Pour en savoir plus sur la réglementation des cryptomonnaies, veuillez consulter notre article Décodage de la cryptomonnaie – clarification de la réglementation pour les entreprises de cryptoactifs.

Parallèlement à la poursuite de cette croissance, une intensification de la pression exercée sur la réglementation financière plus traditionnelle est à prévoir.

Cadre fédéral de protection des consommateurs de produit et services financiers

Après une longue attente, la date d’entrée en vigueur du reste des modifications de la Loi sur les banques, qui comprennent le nouveau cadre fédéral de protection des consommateurs de produits et services financiers (le « Cadre ») pour les banques et les banques étrangères autorisées, a été fixée au 30 juin 2022. Dans la foulée de cette annonce, le Règlement sur le régime de protection des consommateurs en matière financière a été publié le 18 août 2021 et entrera en vigueur en même temps que le Cadre. Le Règlement, comme prévu, prescrit en grande partie des détails pour combler les lacunes du Cadre et intègre les règlements antérieurs en matière de protection des consommateurs. De plus amples renseignements sur le Cadre se trouvent dans notre bulletin d’actualités Osler.

Préavis et lignes directrices du BSIF

En août 2021, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié un nouveau préavis intitulé Signalement des incidents liés à la technologie et à la cybersécurité (le « préavis »), qui prescrit les exigences applicables aux institutions financières sous réglementation fédérale qui signalent au BSIF des incidents liés à la technologie et à la cybersécurité. Le préavis contient plusieurs changements opérant une rupture radicale avec sa version précédente, y compris un délai de signalement différent, un abaissement des seuils de signalement des incidents liés à la technologie et à la cybersécurité et un renforcement des pouvoirs du BSIF en matière d’application de la loi.

En novembre 2021, le BSIF a publié le projet de ligne directrice B-13, Gestion du risque lié aux technologies et du cyberrisque, qui comprend certaines nouvelles exigences visant à promouvoir et à renforcer la résilience des institutions financières sous réglementation fédérale face au risque lié aux technologies et au cyberrisque. Une consultation publique de trois mois est prévue dans le but de recueillir les commentaires concernant la clarté des nouvelles exigences et la mise en application de ces attentes aux institutions financières de différentes tailles et portées, entre autres caractéristiques.

Par ailleurs, des modifications à la ligne directrice B-10, Impartition d’activités, de fonctions et de méthodes commerciales, portant vraisemblablement sur le transfert du risque aux tiers dans le cadre des ententes d’impartition, sont attendues sous peu. Ensemble, ces modifications sont représentatives de la tendance en 2021 à accorder davantage d’importance aux risques opérationnels auxquels font face les fournisseurs de services financiers et aux mesures qu’ils devront prendre pour atténuer ces risques.

Le BSIF a également publié plusieurs mises à jour de directives en 2021. La Ligne directrice de 2023 stipulant la communication de renseignements par les petites et moyennes banques (PMB) au titre du troisième pilier (version à l’étude) a été publiée en août 2021 et entrera en vigueur le 1er novembre 2022. Cette ligne directrice servira de guide exhaustif relativement aux attentes du BSIF à l’égard des exigences de communication de renseignements par les petites et moyennes banques au titre du troisième pilier. En juillet 2021, le BSIF a publié la ligne directrice E-4, Entités étrangères exploitant une succursale au Canada. Cette ligne directrice intègre de nouvelles modifications quant aux exigences portant sur la localisation des documents prévues par la Loi sur les sociétés d’assurance et la Loi sur les banques. Une période de transition de six mois jusqu’à janvier 2022 est prévue pour permettre la mise en conformité avec la ligne directrice.

Le BSIF a également publié plusieurs documents d’orientation devant entrer en vigueur le 1er novembre 2022 ou en janvier 2023, selon la période d’exercice de l’institution. Ces mises à jour sont destinées à harmoniser les lignes directrices avec les normes internationales. On retrouve dans cette catégorie la ligne directrice Norme de fonds propres (version à l’étude) qui apporte plusieurs modifications aux cibles de fonds propres, introduit de nouvelles règles de fonds propres au titre du risque opérationnel et prévoit une réduction des exigences de fonds propres au titre du risque de crédit, entre autres changements. Le BSIF a également publié la ligne directrice Exigences de levier (version à l’étude) qui prévoit l’imposition d’un coussin de ratio de levier aux banques canadiennes d’importance systémique et apporte d’autres modifications aux exigences de levier. Enfin, le BSIF a publié la ligne directrice Normes de liquidité, qui vient renforcer les exigences relatives aux flux de trésorerie nets cumulatifs et modifier certains délais de déclaration. Le BSIF a aussi proposé un nouvel instrument d’orientation pour les institutions qui utilisent l’approche standard de Bâle III à l’égard du risque opérationnel au Canada. Une Proposition d’attentes en matière de gestion des données sur l’exigence de fonds propres au titre du risque opérationnel a également été publiée, même si aucun calendrier n’a été présenté pour sa mise en œuvre.

Régimes de protection des titres des professionnels du secteur financier

Le mouvement en faveur de la protection des titres des professionnels du secteur financier continue à prendre de l’ampleur à la suite de l’introduction de la Loi de 2019 sur la protection du titre des professionnels des finances en Ontario en 2019 et de la Financial Planners and Financial Advisors Act en Saskatchewan en 2020. En mai 2021, l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers (ARSF) a publié aux fins de consultation publique une proposition mise à jour de cadre de protection des titres de planificateur financier et de conseiller financier. Peu de temps après, la Financial and Consumer Affairs Authority de la Saskatchewan a emboîté le pas à l’Ontario en publiant un projet de règlement soumis à une consultation publique en juillet 2021. Lorsque les régimes de protection des titres de l’Ontario et de la Saskatchewan seront en vigueur, toute personne utilisant les titres « planificateur financier » et « conseiller financier » ou des titres semblables précisés dans l’une ou l’autre de ces provinces devra détenir les titres de compétences appropriés d’un organisme d’accréditation approuvé par chaque organisme de réglementation.

Aucune date d’entrée en vigueur n’a encore été annoncée, que ce soit pour le régime de protection des titres de l’Ontario ou pour celui de la Saskatchewan, mais la tendance à la réglementation des titres du secteur financier est manifeste : en effet, le 25 octobre 2021, le Nouveau-Brunswick concluait lui aussi sa propre consultation publique au sujet d’un cadre de protection des titres utilisés par les professionnels de la finance. Vous trouverez de plus amples renseignements à ce sujet dans un article de notre blogue publié sur osler.com, Movement towards financial title regulation expands across Canada (en anglais seulement).

Traitement équitable des clients

L’ARSF a publié une nouvelle approche sur le traitement équitable des clients du secteur de l’assurance (l’Approche), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. L’approche confirme l’application de la Directive : Conduite des activités d’assurance et traitement équitable des clients (la « Directive »), adoptée conjointement par le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance et les Organismes canadiens de réglementation en assurance en vue de simplifier les exigences applicables au traitement équitable des clients pour les assureurs et les intermédiaires de ce secteur titulaires d’un permis en Ontario.

Aux termes de cette Approche, les assureurs et les intermédiaires en assurance de l’Ontario sont tenus de respecter des pratiques commerciales loyales, d’avoir un comportement exemplaire sur le plan de l’éthique et de la bonne foi dans leurs interactions avec les clients et leur gestion des conflits d’intérêts et des ententes d’impartition. Ils doivent également fournir aux clients l’information appropriée avant la vente et au point de vente, adopter des pratiques de marketing prévoyant la communication de renseignements exacts, clairs et non trompeurs, fournir des conseils pertinents tenant compte de la situation du client, traiter et régler les réclamations de façon diligente et équitable et protéger les renseignements personnels, entre autres obligations. De plus amples renseignements sur l’Approche sont présentés dans un article de notre blogue publié sur osler.com, FSRA streamlines fair treatment of customers approach for insurance industry (en anglais seulement).

Et ensuite?

Un thème majeur de la réglementation des services financiers en 2021 a été la convergence de différentes réformes et initiatives visant à réglementer certains secteurs précis de l’écosystème financier qui étaient auparavant peu ou pas du tout réglementés. Il s’agit notamment des cryptomonnaies, des fournisseurs de services de paiement, des entreprises de services monétaires étrangères et du système bancaire ouvert. Ces réformes ont été rendues nécessaires par les importants changements qu’a connus le secteur des services financiers, en particulier dans le domaine des paiements. Si ces changements peuvent alourdir le fardeau des acteurs du secteur, y compris en ce qui concerne les normes concurrentes, une surveillance réglementaire accrue des participants de ce nouvel écosystème pourrait également faciliter l’accès aux nouveaux cadres, comme le système de paiements en temps réel. Assurément, on peut s’attendre à d’autres surprises en 2022.