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Principaux développements juridiques en matière de fusions et acquisitions publiques canadiennes en 2022

Auteur(s) : Alex Gorka, Emmanuel Pressman, Jeremy Fraiberg

Le 11 janvier 2023

Le rythme de l’activité des fusions et acquisitions au Canada a ralenti en 2022 par rapport aux niveaux d’activité record de 2021. L’inflation, un environnement avec des taux d’intérêt plus élevés et les risques géopolitiques ont contribué à la volatilité des marchés et à une plus grande incertitude macroéconomique. Toutefois, les niveaux d’activité sont demeurés robustes dans toute une série de secteurs et plusieurs évolutions notables en matière de réglementation et de conclusion d’opérations ont eu lieu. Nous discutons de l’utilisation de produits dérivés dans les stratégies d’accumulation de faibles participations (toehold), des incidences du report de l’appel de la décision Cineplex/Cineworld, des exemples récents de fusions et acquisitions publiques annoncées sur base d’un sommaire des modalités, des modifications des structures d’actions à double catégorie et des développements récents dans la proposition d’acquisition de Turquoise Hill Resources par Rio Tinto.

Stratégie d’accumulation de faibles participations

Les acheteurs s’interrogent souvent sur l’opportunité d’acquérir une position « initiale » dans une entreprise cible avant de faire une offre ou une proposition en vue de l’acquérir dans son intégralité. Ce choix peut permettre à l’acheteur d’acquérir des actions initiales sans devoir payer de prime et de bénéficier d’un certain avantage lors des négociations avec la direction de l’entreprise cible. En outre, la stratégie d’accumulation de faibles participations peut dissuader les potentiels acheteurs rivaux et accroitre la possibilité de récupérer les frais relatifs à la transaction en cas de succès d’une offre concurrente. Cela permet également à l’initiateur de faire valoir ses droits en tant qu’actionnaire conformément au droit des sociétés, y compris le droit de convoquer une assemblée des actionnaires.

Les acheteurs potentiels utilisent également des produits dérivés, comme les swaps sur le rendement total réglés en espèces, pour obtenir un risque économique aux actions de la cible sans en obtenir la propriété véritable ni le contrôle ou la direction. L’utilisation de produits dérivés dans les stratégies d’accumulation de faibles participations doit maintenant tenir compte de la décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta (ASC) concernant l’offre publique d’achat non sollicitée de Brookfield Infrastructure (Brookfield) visant Inter Pipeline Limited (IPL) et la proposition subséquente de fusion de « chevalier blanc » entre IPL et Pembina Pipeline Corporation (Pembina). L’ASC a publié les motifs de sa décision [PDF] (en anglais seulement) le 21 décembre 2021.

Comme nous l’avons évoqué l’année dernière, entre mars et octobre 2020, Brookfield a acquis une faible participation dans des actions ordinaires d’IPL équivalant à 19,65 % des actions ordinaires en circulation d’IPL. De ce montant, 9,75 % représentaient la propriété véritable et le contrôle et la direction des actions ordinaires d’IPL. Toutefois, 9,9 % de ce montant représentaient un risque économique dans IPL au moyen d’une série d’opérations liées à des swaps sur le rendement total réglées en espèces (SRT). Lors d’une audience devant l’ASC, IPL a notamment fait valoir que les SRT minaient le régime de déclaration d’alerte précoce en permettant à Brookfield d’acquérir un intérêt économique de près de 20 % dans IPL sans déclencher le seuil de déclaration d’alerte précoce de 1 %.

L’ASC a conclu que l’intérêt économique dans les actions assujetties aux SRT avait été séparé de la propriété de ces actions et du contrôle des droits de vote sur celles-ci. L’ASC a ensuite conclu que les propriétaires des actions assujetties aux SRT ne partageaient pas la même motivation visant à maximiser la valeur pour les actionnaires que les autres actionnaires d’IPL.

L’ASC n’a pas conclu que Brookfield était le propriétaire véritable des actions assujetties aux SRT ni que les contreparties aux swaps avaient agi conjointement ou de concert avec Brookfield. L’ASC a plutôt pris des mesures visant à répondre aux préoccupations relatives au « vote nu » et a ordonné qu’un rajustement soit apporté à la condition de dépôt minimal de l’offre de Brookfield. Par conséquent, Brookfield n’était pas autorisée à acquérir des actions ordinaires d’IPL dans le cadre de son offre, à moins que plus de 55 % des actions ordinaires d’IPL – à l’exclusion de celles détenues en propriété véritable par Brookfield ou une personne agissant conjointement avec elle – n’aient été déposées dans l’offre. L’effet de cette mesure corrective revenait essentiellement à réputer que Brookfield était la propriétaire véritable des actions assujetties aux SRT. En outre, l’ASC a exigé que Brookfield fournisse des renseignements supplémentaires à l’égard de la nature des relations de Brookfield avec les contreparties aux swaps, y compris leurs noms ainsi que toute information importante concernant ses relations commerciales avec elles.

Cette décision illustre la manière dont les instruments dérivés continuent de soulever d’importantes questions de principe pour les autorités de réglementation des valeurs mobilières, notamment les problèmes de « propriété cachée » et de « vote nu », comme nous l’avons décrit plus en détail dans notre précédent numéro du bulletin d’actualités Osler sur ce sujet.

La décision de l’ASC est particulièrement remarquable à la lumière des précédentes déclarations et positions politiques des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sur les produits dérivés. En 2013, les ACVM ont proposé que les investisseurs incluent les « dérivés équivalents à des actions », c’est-à-dire des positions sur des dérivés d’actions qui sont substantiellement équivalentes, au plan économique, à des participations en actions conventionnelles, y compris les swaps sur rendement total, dans le calcul de leur niveau de détentions de titres en propriété véritable afin de déterminer si le seuil déclenchant l’obligation de déclarer a été franchi (proposition des ACVM de 2013). La proposition des ACVM de 2013 visait à assurer une plus grande transparence quant aux possibles avoirs cachés que les investisseurs avertis accumulent au moyen d’instruments dérivés dans le but d’obtenir un risque économique dans une société ouverte tout en évitant la divulgation publique. En 2014, cependant, les ACVM ont décidé de ne pas mettre en œuvre leur proposition en raison de l’opposition au changement de la part des intervenants sur le marché. Ceux-ci considéraient, généralement, qu’il s’agissait d’un accord tacite par les ACVM sur l’utilisation des swaps sur le rendement total pour se constituer des participations sans être tenu de les déclarer au public ou de modifier les modalités de l’opération.

La décision de l’ASC remet maintenant en question l’utilisation future des produits dérivés dans la stratégie d’accumulation de faibles participations. La question de savoir si la décision de l’ASC se limite aux faits particuliers à l’espèce, dans laquelle l’ASC a conclu que la contrepartie au swap possédait un certain nombre de liens avec l’initiateur, demeure ambiguë.

Compte tenu de l’incertitude qui subsiste, il pourrait s’avérer nécessaire que les organismes de réglementation des valeurs mobilières procèdent à un examen officiel des questions soulevées dans la décision afin de fournir des orientations aux intervenants sur le marché. Nous notons que la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a publié des propositions de modifications au régime de déclaration du Formulaire 13D à l’égard des produits dérivés réglés en espèces qui sont semblables à la proposition des ACVM de 2013. Selon la proposition de la SEC, les détenteurs de certains produits dérivés réglés en espèces seraient réputés détenir la propriété véritable du titre de référence si le produit dérivé est détenu dans le but ou avec l’effet de changer ou d’influencer le contrôle de l’émetteur, ou dans le cadre de, ou comme participant à, toute opération ayant un tel objectif ou effet.

Osler était le conseiller juridique de l’une des contreparties au swap dans le cadre de la procédure de l’ASC.

Des retards dans la suite d’une superproduction

Le 14 décembre 2021, un tribunal de l’Ontario a jugé que Cineworld Group plc a résilié de façon inappropriée son accord de décembre 2019 visant à acquérir les actions en circulation de Cineplex Inc., accordant à cette dernière des dommages-intérêts de 1,2 milliard de dollars. Fait à noter, le tribunal a jugé que Cineplex avait droit à la valeur actuelle des « synergies » qu’elle aurait réalisées par suite de la clôture de l’opération. Une description plus détaillée de la décision et de son contexte est disponible dans notre bulletin d’actualités Osler.

Le 12 janvier 2022, Cineworld a interjeté appel et le 27 janvier 2022, Cineplex a déposé un appel incident. Les appels devaient être entendus les 12 et 13 octobre 2022 (l’appel).

Cependant, le 7 septembre 2022, Cineworld et certaines de ses filiales ont entamé une procédure de faillite aux États-Unis. En conséquence, Cineworld a fait valoir que le recours de Cineplex à son encontre était suspendu. Cineplex a demandé au tribunal américain de modifier la suspension des procédures de faillite afin de permettre à l’appel de se poursuivre devant les tribunaux canadiens. Le tribunal américain a refusé d’accorder le redressement demandé par Cineplex.

La procédure de faillite de Cineworld est toujours en cours et, par conséquent, l’appel a été ajourné. On ignore toujours quand l’appel sera entendu, ou même s’il le sera. Cela laissera potentiellement deux questions juridiques importantes non traitées par une cour d’appel. La première est celle de l’interaction entre une clause relative aux effets défavorables importants (EDI) et une clause d’exploitation dans le cadre du cours normal des activités. La deuxième question concerne la mesure des dommages en cas de manquement dans un accord de transaction.

Comme nous l’avons mentionné l’année dernière, Cineworld a déclaré que Cineplex n’avait pas exploité son entreprise dans le cours normal des activités, même si la clause d’EDI attribuait le risque d’éclosion d’une maladie à Cineworld. Suivant la décision rendue dans l’affaire Fairstone Financial Holdings Inc. v. Duo Bank of Canada (Fairstone) (en anglais seulement), le tribunal a conclu que Cineplex n’avait pas violé les clauses d’exploitation dans le cours normal des activités lorsqu’elle a pris une série de mesures importantes en réponse à la pandémie de COVID-19.

Les décisions de la Cour dans les affaires Cineplex et Fairstone contrastent fortement avec la décision de la Cour suprême du Delaware rendue dans l’affaire AB Stable VIII LLC c. MAPS Hotels and Resorts One LLC, et autres (en anglais seulement). Dans cette affaire, la Cour suprême du Delaware a estimé que les changements importants apportés aux activités de la cible en réponse à la pandémie de COVID-19 contrevenaient aux clauses relatives à l’exploitation dans le cours normal des activités de l’entreprise, conformément à ses pratiques antérieures. La Cour a tiré cette conclusion même si elle a également conclu que la pandémie faisait l’objet d’une exclusion relative aux EDI.

Les dommages-intérêts accordés par le tribunal dans l’affaire Cineplex étaient fondés sur la « perte de synergies » de Cineplex, malgré le fait que ce sont les actionnaires de Cineplex qui devaient recevoir la contrepartie dans le cadre de l’opération. Nous n’avons connaissance d’aucune autre décision au Canada accordant des dommages et intérêts en faveur d’une société ouverte cible sur la base de sa perte de synergies alors que ce sont ses actionnaires qui devaient recevoir la contrepartie. Avec le sursis en place, cette décision demeure à la fois anormale et intacte.

Pas tout à fait sur un coin de table

Les parties à une opération de fusions et acquisitions de sociétés ouvertes canadiennes ont l’habitude d’annoncer la transaction uniquement après avoir obtenu l’approbation du conseil d’administration et après avoir finalisé et conclu des accords de transaction contraignants et définitifs. Cette démarche vise notamment à garantir la certitude de la transaction aux parties et également à atténuer les risques de perturbations et d’incertitudes importantes sur les marchés, qui peuvent survenir en cas de communication prématurée d’une transaction importante. Cette approche permet également au conseil d’administration de conserver le contrôle de son processus, y compris la négociation, l’examen, l’évaluation et l’approbation d’une opération de fusions et acquisitions.

Si l’annonce d’une lettre d’intention non contraignante (ou même d’une lettre censée être contraignante, ou contraignante sur certains points) est plus courante sur le marché des petits émetteurs, elle demeure l’exception pour les émetteurs plus importants et plus expérimentés. Toutefois, deux transactions récentes démontrent que les accords définitifs de transaction ne sont pas une condition préalable à l’annonce d’une transaction importante pour les grands émetteurs.

Le 9 août 2022, Recipe Unlimited Corporation (Recipe) a conclu et annoncé une lettre d’intention avec Hamblin Watsa Investment Counsel Ltd, gestionnaire d’investissement au nom de certaines sociétés du même groupe de Fairfax Financial Holdings Limited (collectivement, Fairfax), concernant une transaction privée. Recipe et Fairfax ont ensuite conclu une convention d’arrangement définitif le 1er septembre 2022.

Peu de temps après, le 1er septembre 2022, Turquoise Hill Resources Ltd. (TRQ) a conclu et annoncé un sommaire des modalités avec Rio Tinto International Holdings Ltd. (Rio Tinto) dans le cadre d’une transaction par voie de privatisation. TRQ et Rio Tinto ont par la suite conclu une convention d’arrangement définitif le 5 septembre 2022.

Dans les deux cas, un comité spécial du conseil d’administration de la société cible a reçu un avis sur le caractère équitable et une évaluation formelle d’un conseiller financier indépendant, qui a recommandé au conseil d’approuver la transaction et aux actionnaires de voter en faveur de la transaction, même si les conventions définitives de transaction n’avaient pas encore été négociées, signées ou livrées. Avant l’annonce publique de la transaction, le conseil d’administration de Recipe a approuvé la transaction et l’a recommandée aux actionnaires. Dans l’affaire TRQ, les administrateurs du conseil d’administration n’ayant pas de conflit d’intérêts ont approuvé la transaction et l’ont recommandée aux actionnaires après l’annonce publique de la transaction au moment de la conclusion des conventions définitives de transaction.

Nous ne pensons pas que ces annonces inédites marqueront le début d’une nouvelle tendance. Ces deux transactions se distinguent des transactions de fusions et acquisitions plus conventionnelles dans la mesure où l’acheteur était un actionnaire majoritaire proposant de privatiser le reste de la cible. Ainsi, la société cible avait des possibilités limitées de réaliser une valeur au moyen d’une transaction avec un tiers. En outre, les transactions avaient fait l’objet de négociations solides et de propositions de prix plus élevés pendant une période prolongée. De plus, dans le cas de TRQ, une transaction potentielle avec Rio Tinto avait déjà été rendue publique.

L’annonce d’une transaction sur la base d’une lettre d’intention ou d’un sommaire des modalités est toutefois une possible alternative au manuel traditionnel, selon les circonstances. Il convient de prendre en compte les inconvénients potentiels d’une telle démarche.

Pas d’accords parallèles!

L’acquisition imminente de toutes les actions de TRQ qui ne sont pas déjà détenues par Rio Tinto a suscité tant l’attention du public et que celle des organismes réglementaires. Le 1er novembre 2022, Rio Tinto a annoncé qu’elle avait conclu des conventions avec certains fonds et autres entités liés à Pentwater Capital Management LP (Pentwater) et à SailingStone Capital Partners LLC (SailingStone). Ces ententes concernaient l’assemblée extraordinaire des actionnaires de TRQ devant voter sur la transaction proposée. Avant l’annonce, Pentwater et SailingStone s’étaient toutes deux publiquement opposées à la transaction proposée. Conformément à ces accords, les deux actionnaires ont accepté de s’abstenir de voter à l’assemblée des actionnaires de TRQ et d’exercer leurs droits à la dissidence à l’égard de la transaction.

Selon les conventions, la procédure de dissidence devait d’abord être menée par la médiation, puis par un arbitrage confidentiel. Les conventions garantissaient à Pentwater et à SailingStone 80 % du prix de la transaction dans les deux jours ouvrables suivant la clôture de la transaction. Les 20 % restants, plus les intérêts sur cette somme, devaient être payés lors de la détermination définitive des procédures de dissidence. Cette somme devait s’ajouter à toute augmentation du montant qui pourrait être accordé dans le cadre de la résolution de la procédure de dissidence et au montant des dommages et intérêts ou de l’indemnisation, le cas échéant, à verser par Rio Tinto à Pentwater et à SailingStone pour résoudre leurs recours en oppression contre Rio Tinto.

À la suite des préoccupations d’intérêt public soulevées par l’Autorité des marchés financiers (AMF) du Québec, ainsi que des commentaires critiques formulés par un ancien président de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) (qui était également un actionnaire notoire de TRQ), Rio Tinto a mis fin aux conventions avec Pentwater et SailingStone. Par conséquent, tous les actionnaires minoritaires de TRQ ont maintenant accès aux mêmes droits à la dissidence.

Compte tenu de leur résiliation, les conventions n’ont jamais été examinées dans le cadre d’une audience d’intérêt public devant l’AMF. Celle-ci n’a pas non plus exprimé ouvertement ses préoccupations relatives à l’intérêt public. Toutefois, la législation canadienne sur les valeurs mobilières canadiennes comprend des directives indiquant que, selon un principe général, les porteurs de titres doivent être traités de manière égale dans le contexte d’un regroupement d’entreprises. Les directives suggèrent également qu’accorder un traitement préférentiel à un porteur de titres en vue d’obtenir le soutien de ce dernier à l’égard de la transaction ne sera normalement pas considéré comme justifiable. La contrepartie de la transaction payable à Pentwater et à SailingStone n’a pas été modifiée aux termes de la convention. Cependant, la perspective d’un paiement plus élevé dans le cadre d’une procédure de dissidence, soutenue par des paiements garantis dans le cadre de la médiation et de l’arbitrage, et associée à un engagement de Pentwater et de SailingStone de ne pas voter (et donc de ne pas aider à bloquer la transaction) peut avoir été considérée par l’AMF comme créant un traitement inégal et préférentiel de ces actionnaires. Cette perspective, ainsi que les plaintes du public concernant les arrangements, ont peut-être motivé les préoccupations d’intérêt public de l’AMF.

Osler agit à titre de conseiller juridique auprès de l’un des conseillers financiers participant à cette transaction.

Modification de la structure d’actions à double catégorie

L’utilisation de structures d’actions à double catégorie continue d’être une caractéristique établie des marchés financiers canadiens. Ces structures se sont également avérées être une caractéristique populaire dans de récents et nombreux premiers appels publics à l’épargne. Les structures d’actions à double catégorie permettent aux actionnaires importants de conserver le contrôle malgré l’intérêt économique disproportionné détenu par les actionnaires publics.

Les modifications apportées à ces structures d’actions à double catégorie nécessitent généralement l’approbation des actionnaires minoritaires. En 2022, deux sociétés ont tenté de modifier leur structure d’actions à double catégorie existante.

Le 10 juin 2022, Shopify Inc. (Shopify) a conclu avec succès un arrangement approuvé à la fois par les actionnaires et par le tribunal qui a modernisé sa structure de gouvernance afin de soutenir sa croissance continue à long terme. Cette nouvelle structure de gouvernance prévoit la création d’une nouvelle catégorie d’actions, désignée comme l’action du fondateur, ainsi que l’émission de cette même action au fondateur et chef de la direction générale de Shopify.

L’action du fondateur confère au fondateur et chef de la direction un nombre variable de votes qui, lorsqu’ils sont combinés aux actions avec droit de vote multiple de catégorie B dont lui, ainsi que sa famille immédiate et ses sociétés du même groupe, sont propriétaires véritables (et certaines actions avec droit de vote subalterne de catégorie A), représentent 40 % du total des droits de vote rattachés à toutes les actions en circulation de la société. Cela fixe et préserve effectivement le droit de vote du fondateur et chef de la direction à cet égard.

L’action du fondateur prendra fin si le fondateur et chef de la direction n’occupe plus un poste de dirigeant, de membre de la haute direction ou de consultant dont l’engagement principal est avec la société. La disposition de temporisation est également déclenchée si le fondateur et chef de la direction, sa famille immédiate et les membres de son groupe ne détiennent plus un nombre d’actions de catégorie A et de catégorie B équivalant à au moins 30 % des actions de catégorie B détenues par lui et les sociétés de son groupe lors de la mise en œuvre de l’arrangement.

Le 11 novembre 2022, dans le cadre d’une transition annoncée de la direction, Onex Corporation (Onex) a annoncé qu’elle proposerait une modification de ses actions avec droit de vote multiple afin de maintenir leur droit de vote actuel après la nomination d’un nouveau chef de la direction. Onex a annoncé qu’une disposition de temporisation de cinq ans sera ajoutée aux actions avec droit de vote multiple et que l’approbation de la modification par les actionnaires sera demandée lors de l’assemblée générale annuelle de la société en 2023.

La combinaison d’anciennes structures de capital-actions à double catégorie et de structures d’actions à double catégorie découlant de récents PAPE est encore typique sur les marchés financiers canadiens. Par conséquent, nous prévoyons que le débat sur le bien-fondé de ces structures se poursuive et se renouvelle. En outre, il est probable que le débat se poursuivra sur certains aspects clés de ces structures d’actions à double catégorie, en particulier sur ces dispositions de temporisation qui déclenchent l’effondrement de ces structures.

L’importance des structures à double catégorie pour maintenir la compétitivité du Canada dans le contexte de marchés publics de plus en plus mondialisés (en particulier dans le secteur de la technologie) devrait demeurer au premier plan de ces discussions. Enfin, alors que les circonstances évoluent pour les fondateurs et les émetteurs dirigés par des actionnaires majoritaires dotés de structures d’actions à double catégorie, nombre de ces émetteurs devront se demander si des modifications ou des modernisations doivent être apportées à ces structures pour favoriser la croissance à long terme et permettre la transition de la direction.

Osler représentait le fondateur et chef de la direction de Shopify dans sa proposition de moderniser la gouvernance de l’entreprise et la structure du capital-actions à multiples catégories.

Remarques finales

L’ampleur des questions qui ont retenu notre attention en 2022 correspond au large éventail de transactions et de participants qui caractérisent les marchés de fusions et acquisitions publiques canadiennes. Pour l’année 2023, nous prévoyons que l’un des principaux moteurs de l’activité des fusions et acquisitions au cours du premier semestre de 2023 sera constitué d’acheteurs bien capitalisés qui profiteront de la baisse des prix d’entreprise cible.

Nous serons également à l’affût des réponses de la CVMO concernant un certain nombre de propositions en suspens incluses dans le rapport final du groupe de travail sur la modernisation des marchés financiers de l’Ontario. Il reste également à voir comment la CVMO répondra aux recommandations visant à réduire de 10 % à 5 % le seuil de propriété déclenchant l’obligation de déclarer. En outre, nous attendons une réponse à la recommandation d’adopter des exigences et des directives sur le rôle des administrateurs indépendants dans les transactions présentant un conflit d’intérêts.