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L’incertitude persistante alimente la créativité dans les opérations du secteur minier

Auteur(s) : James R. Brown, Alan Hutchison

Le 13 décembre 2019

Bien que deux opérations de fusion et d’acquisition au sein du secteur minier (Barrick et Randgold, ainsi que Newmont et Goldcorp), parmi les plus importantes des dernières années, aient démarré 2019 en fanfare, ces opérations n’ont pas, en fin de compte, servi d’agents catalyseurs pour la conclusion d’autres opérations et la mobilisation de capitaux.

Compte tenu des incertitudes économiques mondiales, les investissements n’ont pas été élevés dans l’industrie minière, et ce, malgré le cours élevé de l’or qui profite habituellement au secteur minier canadien. En 2019, les financements publics se sont généralement limités à la mobilisation de capitaux auprès d’émetteurs producteurs ou des sociétés de redevances et de flux de métaux. Plus particulièrement, les sociétés d’exploration ont eu très peu d’occasions de financement, tant public que privé. De plus, pendant la majeure partie de l’année, les opérations de fusion et d’acquisition à l’échelle mondiale ont connu une baisse importante par rapport aux années précédentes et les fusions anticipées des sociétés de taille moyenne ne se sont pas concrétisées, et ce, malgré une reprise de l’activité d’extraction de l’or vers la fin de l’année. Dans une telle conjoncture du marché difficile, les émetteurs ont eu à chercher des solutions de rechange aux capitaux publics et aux opérations de fusion et d’acquisition traditionnelles. Il a fallu souvent faire preuve de créativité pour conclure des ententes. 

Plusieurs thèmes du marché se sont dégagés dans le cadre d’opérations parmi les plus créatives et novatrices dont nous avons été témoins cette année. 

Préserver les options

L’un des thèmes clés consistait à positionner les émetteurs en vue d’occasions futures, que celles-ci découlent de la vigueur du prix des marchandises ou de conditions d’exploitation plus exigeantes. Un certain nombre d’opérations ont permis aux émetteurs d’atteindre leurs objectifs à court terme tout en maintenant les options pour l’avenir qui (avec un peu de chance) leur permettront de tirer parti d’une conjoncture améliorée. Parmi ces opérations, notons les deux suivantes :

  • TMAC Resources et Maverix Metals : TMAC a haussé de 1 % à 2,5 % la redevance qu’elle devait à Maverix sur les revenus nets de fonderie (RNF) en contrepartie d’un paiement de 40 M$ US. Maverix a également conclu un placement privé d’actions de 3 M$ US. La modification des redevances comprenait des droits de rachat d’actions pour l’augmentation des redevances qui créaient un rendement immobilisé pour Maverix et fournissait une certitude à TMAC. La structure a permis à TMAC de rembourser les RNF accrus au moyen d’actions, de sorte que si le cours de l’action de TMAC augmente dans un contexte de hausse du cours de l’or, la dilution résultant du règlement de la redevance au moyen d’une mobilisation de capitaux propres pourrait être sensiblement inférieure à la dilution découlant d’un placement de titres au moment de l’opération. (Osler a représenté Maverix Metals.)
  • Pretium Resources et Redevances Aurifères Osisko : Même si Pretium pouvait choisir de réduire ses obligations d’écoulement envers Osiko, son droit de rachat était limité à 75 % de ses engagements en matière d’or affiné. À la suite de négociations, les parties ont convenu d’un rachat de l’ensemble de l’obligation d’écoulement au même prix qu’aux termes du droit de rachat. L’opération a permis à Osiko de prévenir un écoulement bas sur le marché et à Pretium de rentabiliser au maximum sa production et de rembourser son financement lié à la construction.

Répartition des risques

Un autre thème clé a consisté en une augmentation des coentreprises et des partenariats dans le but de répartir les risques, particulièrement en ce qui concerne les actifs au stade de la mise en valeur. Les coentreprises et les structures de participation acquise ont toujours servi d’assises à la conclusion de marchés dans le secteur minier. Toutefois, les difficultés persistantes en matière d’accès aux capitaux ont permis aux investisseurs d’unir leurs forces. Un certain nombre d’opérations ont donné lieu à des ententes de financement que les émetteurs n’auraient pas été en mesure de conclure eux-mêmes. Parmi ces opérations, notons les deux suivants :

  • Lithium Americas et Ganfeng Lithium : En octobre 2018, Lithium Americas a remplacé SQM, son partenaire en coentreprise pour son projet principal, soit le projet Cauchari-Olaroz, par Ganfeng Lithium, le principal actionnaire de Lithium Americas Corp., et sa participation est passée de 50 % à 62,5 %. Ganfeng Lithium détient la participation restante de 37,5 %. En août 2019, Ganfeng Lithium a investi 160 M$ US de plus dans la société de portefeuille pour le projet Cauchari-Olaroz afin d’accroître sa participation à 50 %. L’opération a permis d’augmenter de manière importante l’évaluation du projet Cauchari-Olaroz et d’atténuer grandement les risques liés à la mise en valeur du projet en offrant des fonds substantiels pour les activités de construction. (Osler a représenté le comité spécial de Lithium Americas.)
  • Argonaut Gold et UrbanGold : Argonaut et UrbanGold ont signé une convention d’option pour s’accorder mutuellement le droit d’acquérir une participation de 50 % dans leurs concessions minières respectives, combinant ainsi les biens immobiliers pour former un seul projet. UrbanGold peut se prévaloir de l’option d’acquisition d’une participation de 50 % dans les concessions minières d’Argonaut en contrepartie de 750 000 actions ordinaires de son capital-actions au cours des deux premières années de la convention, et d’un engagement comptable de dépenses d’au moins 300 000 $ jusqu’au troisième anniversaire de la convention. À l’achèvement, Argonaut peut acquérir une participation dans les projets d’UrbanGold. La combinaison des actifs permet l’utilisation efficace des budgets d’exploration limités des deux parties dans un secteur éventuel.

Restructurations au moyen de la structure du capital

Plusieurs sociétés minières émettrices sont confrontées à un problème : les cours du marché à la baisse rendent difficile l’acquisition audacieuse de nouveaux actifs, tout en étant, d’autre part, incapables d’évaluer la valeur à court terme de leur composition d’actif et de leurs ressources financières actuelles. Plusieurs actionnaires partagent cette frustration. En 2019, un certain nombre d’émetteurs ont fait preuve de créativité dans l’utilisation de la structure de leur capital pour restructurer leurs actifs et leur actionnariat. Parmi ces opérations, notons les trois suivants :

  • Redevances Aurifères Osisko et Orion Mine Finance : Osisko avait précédemment fait l’acquisition du portefeuille de redevances d’Orion Mine Finance en contrepartie de titres d’Osisko ; Orion détient ainsi environ 19,48 % d’Osisko. Orion souhaitait se départir de son investissement et Osiko voulait s’assurer d’un processus de vente ordonné. Les parties ont négocié une opération mixte prévoyant un reclassement de titres par Orion, un rachat d’actions en contrepartie de titres de participation dans certaines sociétés de portefeuille d’Osiko et d’un montant en espèces et une vente d’autres titres de participation à une société affiliée d’Orion en contrepartie d’un montant en espèces. L’opération a permis à Orion de se départir de son investissement dans Redevances Aurifères Osisko en contrepartie d’un montant en espèces et de nouveaux placements de portefeuille, et elle a permis à Osiko d’éliminer l’offre excédentaire sur ses actions découlant de l’investissement d’Orion. (Osler a représenté les preneurs fermes à l’occasion du reclassement de titres réalisé par Orion.)
  • Calibre Mining et B2Gold : B2Gold et Calibre ont conclu une opération aux termes de laquelle B2Gold a convenu de vendre à Calibre l’ensemble de sa participation dans la production des mines d’or El Limon et La Libertad, dans le projet aurifère Pavon et dans d’autres concessions minières au Nicaragua en contrepartie d’un montant en espèces, d’actions de Calibre, d’une débenture et d’un paiement en espèces différé. Grâce à l’opération, Calibre a été en mesure de réaliser un important financement par reçus de souscription, permettant ainsi à B2Gold d’accroître sa participation dans Calibre à 28 %, les nouveaux investisseurs détenaient 57 % des actions de la société issue du regroupement et les anciens actionnaires de Calibre (détenant une participation dans une société d’exploration avec un accès limité à des capitaux) détenaient 12 % des actions en circulation. L’opération a permis à B2Gold de se retirer du Nicaragua pour se concentrer sur l’optimisation de la production dans d’autres mines existantes au Mali, en Namibie et aux Philippines ainsi que sur l’avancement de ses projets de mise en valeur et d’exploration. L’opération a également permis à Calibre de consolider ses participations au Nicaragua et de passer immédiatement d’une société d’exploration à un émetteur producteur.
  • Newmont Goldcorp et Arcus Development Group : Newmont Goldcorp a convenu de faire l’acquisition de la propriété Dan Man d’Arcus (près du projet aurifère à Coffee Creek au Yukon) en contrepartie du retour d’une participation de 19,9 % dans Arcus (auparavant détenue par Godlcorp). Arcus recevra également une redevance de 1 % des RNF provenant de la production commerciale future de la propriété Dan Man. Toutefois, Goldcorp Kaminak, une filiale de Newmont Goldcorp, aura le droit de racheter la redevance en tout temps pour 1 M$ CA. Cette opération permet à Newmont Goldcorp l’élargissement efficace de son projet à Coffe Creek par la consolidation des terres éventuelles dans le secteur en contrepartie d’un petit investissement minier secondaire. L’opération permet à Arcus d’éliminer l’offre excédentaire sur ses actions ordinaires, de réduire son flottant et ses coûts et de réaffecter des ressources limitées à d’autres projets dans son portefeuille.

Ces opérations constituent un échantillon des structures créatives dont nous avons été témoins en 2019, lesquelles ont permis aux parties d’atteindre leurs objectifs commerciaux malgré les difficultés persistantes dans le secteur minier. Elles exploitent les actifs de manière à tirer parti des conditions du marché et des occasions existantes. Dans la mesure où les difficultés de financement et celles en matière de fusion et d’acquisition persistent, nous prévoyons que d’autres d’opérations de ce genre seront conclues en 2020.