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Les sociétés de capital-risque innovent pour suivre le rythme

Auteur(s) : Chima Ubani, Shahir Guindi, Ad. E.

Le 13 décembre 2021

Les niveaux d’activité sur le marché du capital-risque et des actions de croissance en 2021 ne montrent aucun signe de ralentissement. Dans ce contexte, et compte tenu de l’augmentation constante de la taille, de la fréquence et du rythme des cycles de financement en matière de capital-risque et de capital de croissance, les gestionnaires de fonds de capital-risque ont été contraints de s’adapter. Nous avons observé trois évolutions significatives sur le marché canadien des fonds de capital-risque au cours des 12 derniers mois : la montée en puissance des « fonds d’opportunités », l’émergence des « fonds de continuité » et une attention accrue portée aux fonds à capital permanent (ou « fonds permanents » [evergreen]). Nous résumons ces évolutions et soulignons également certains des éléments clés que les gestionnaires de fonds et les investisseurs doivent prendre en compte lorsqu’ils exercent ou évaluent un investissement dans l’un de ces fonds.

Fonds d’opportunité

Un fonds d’opportunités est un nouveau fonds créé par un gestionnaire existant pour fournir des capitaux supplémentaires à investir dans des sociétés de portefeuille dont le rendement est très élevé d’un ou de plusieurs des fonds existants du gestionnaire. Comme leur nom l’indique, ces fonds cherchent à tirer parti d’occasions qu’un gestionnaire de fonds n’a peut-être pas été en mesure de saisir parce que le fonds actuel ne dispose pas d’un capital suffisant à investir. Il peut s’agir de diriger une ronde de financement ou de participer au prorata aux rondes de financement ultérieures d’une société de portefeuille. Bien que le concept de fonds d’opportunités ne soit pas nouveau, nous avons constaté un intérêt accru pour ce type de véhicule au cours des 12 derniers mois, plusieurs gestionnaires de fonds de capital-risque canadiens ayant créé leurs propres fonds d’opportunités.

Un fonds d’opportunités est une alternative à la création de plusieurs véhicules à vocation particulière ou de véhicules d’investissement conjoint visant des investissements ponctuels. Cela peut être bénéfique pour les gestionnaires, qui auront moins de véhicules à créer et à gérer, ce qui leur permettra d’agir plus rapidement pour conclure une opération. Les fonds d’opportunités peuvent également être bénéfiques aux investisseurs, qui peuvent ainsi avoir accès à un portefeuille d’entreprises prometteuses plutôt que de devoir prendre des décisions d’investissement individuelles.

Les points qui suivent constituent quelques-uns des éléments clés dont les investisseurs et les promoteurs tiennent compte lors de l’évaluation d’un investissement dans un fonds d’opportunités :

  • Bien que les conditions varient, les fonds d’opportunités ont généralement des frais de gestion et/ou un taux d’intéressement différé plus faibles. Ceci a pour but de refléter la réduction de la charge de travail du gestionnaire car l’univers des entreprises bénéficiaires est généralement limité aux entreprises déjà présentes dans le portefeuille.
  • Les gestionnaires de fonds qui envisagent de lever un fonds d’opportunités devront tenir compte des attentes que les investisseurs existants peuvent avoir concernant les droits d’investissement conjoint parallèlement aux fonds existants. C’est notamment le cas lorsque de grands investisseurs institutionnels ont déjà négocié des droits d’investissement conjoint préférentiels sans frais et sans intéressement différé.
  • Dans les cas où le « fonds principal » et le fonds d’opportunités investissent tous deux dans le cadre de la même ronde de financement, il faut veiller à répartir équitablement les occasions d’investissement et à gérer les conflits potentiels. D’après notre expérience, les investisseurs du fonds principal s’attendent à ce que l’allocation du fonds principal ne soit pas affectée par l’existence du fonds d’opportunités.
  • Si les rondes de financement prévues ne se concrétisent pas, les gestionnaires de fonds peuvent se retrouver avec de grandes quantités de capital disponible. Dans ce cas, les parties doivent se demander si le fonds d’opportunités doit avoir la capacité d’investir au-delà des sociétés présentes dans le portefeuille et, si oui, à quelles conditions.

Fonds de continuité ou de continuation

Un fonds de continuité (également connu sous le nom de fonds de continuation) est un véhicule mis de l’avant par un gestionnaire existant pour acheter un seul actif ou un portefeuille d’actifs d’un ou plusieurs fonds existants du gestionnaire.La plupart des fonds de capital-investissement ont une durée maximale, tant pour l’investissement du capital que pour la durée de vie globale du fonds. La mise en place d’un fonds de continuité offre une certaine flexibilité au gestionnaire à la fin de la vie d’un fonds. Les commanditaires qui recherchent la liquidité à l’échéance du fonds peuvent participer à la liquidation du fonds, tandis que d’autres commanditaires qui recherchent une exposition à plus long terme à l’actif ou aux actifs sous-jacents peuvent le faire par le biais du fonds de continuité. Cette démarche peut être structurée en prévoyant un encaissement dans le fonds d’origine et un nouvel investissement dans le fonds de continuité ou en permettant à l’investisseur de transférer son investissement existant dans le fonds de continuité.

Alors que les fonds de continuité sont plus courants sur le marché américain des capitaux privés, ces types de fonds sont arrivés au Canada sur le marché du capital-risque et de la croissance au cours des 12 derniers mois. Inovia Capital a clôturé son premier fonds de continuité cette année.

Les points qui suivent constituent quelques-uns des éléments clés dont les investisseurs et les promoteurs tiennent compte lors de l’évaluation d’un investissement dans un fonds de continuité :

  • Comme le fonds de continuité et le fonds d’origine sont contrôlés par le même gestionnaire de fonds, la vente des actifs du fonds existant au fonds de continuité sera une opération entre parties liées. En tant que tel, le gestionnaire du fonds doit gérer les conflits d’intérêts inhérents entre les fonds, notamment en ce qui concerne l’évaluation du transfert. Des évaluateurs externes et des banques d’investissement participent souvent au processus pour aider à résoudre ce problème.
  • En raison des possibles conflits d’intérêts, la transparence est essentielle. Il est important que les comités consultatifs des commanditaires existants soient tenus informés tout au long du processus des conditions de l’opération et des attentes concernant la viabilité à long terme de l’actif ou du portefeuille d’actifs.
  • Les investisseurs du nouveau fonds de continuité auront également besoin d’une information complète et transparente sur les actifs vendus dans le cadre de l’opération.
  • L’opération de vente peut être l’occasion pour le gestionnaire du fonds de réaliser un intéressement différé cumulé ou de le transférer dans le nouveau fonds de continuité. L’impact fiscal de l’opération pour le gestionnaire du fonds doit être pris en compte dans les deux cas.
  • Les conventions d’actionnaires des sociétés de portefeuille doivent être analysées afin de déterminer les éventuelles exigences de consentement ou de renonciation concernant les transferts proposés. Ce processus peut être long et complexe, en fonction de la structure de l’opération.

Fonds à capital permanent

Un fonds de capital-risque à capital permanent, ou fonds permanent (evergreen), est un fonds commun de placement à capital variable sans échéance fixe. Cette structure permet à un gestionnaire de fonds de mobiliser continuellement de nouveaux capitaux auprès des investisseurs et de réinvestir les capitaux provenant des opérations de sortie. Ces fonds tentent de résoudre les problèmes évoqués ci-dessus à l’aide d’un seul véhicule (à savoir, manquer des occasions d’investissement potentielles en raison du manque de capital disponible, ainsi que trouver un équilibre entre les désirs de liquidité de certains commanditaires et les désirs d’autres commanditaires de continuer à investir dans des sociétés prometteuses à plus long terme).

Bien que les fonds de capital-risque permanents restent rares sur le marché du capital-risque (tant au Canada qu’à l’échelle mondiale), nous avons constaté au cours de la dernière année un intérêt accru de la part des gestionnaires qui envisagent des solutions de rechange au fonds de capital-risque traditionnel de 10 ans. L’annonce (en anglais seulement) par Sequoia du lancement de sa propre stratégie de capital permanent par la création d’un fonds Sequoia unique a suscité une attention considérable. Des conversations semblables ont eu lieu sur l’ensemble du marché.

Les points qui suivent constituent quelques-uns des éléments clés dont les investisseurs et les promoteurs tiennent compte lors de l’évaluation d’un investissement dans un fonds permanent :

  • Comme il n’y a pas de date d’expiration pour un fonds permanent, les investisseurs ont besoin d’un mécanisme pour retirer leur capital. Les gestionnaires de fonds doivent réfléchir à la manière dont ils vont fournir aux investisseurs des liquidités à partir d’actifs intrinsèquement non liquides. L’une des possibilités est d’avoir des périodes de rachat liées à des opérations de sortie importantes ou à de nouvelles levées de fonds.
  • Toute construction de droit de rachat doit être limitée afin que le fonds ne devienne pas par inadvertance soumis à la réglementation en tant que « fonds d’investissement » aux termes de la législation canadienne sur les valeurs mobilières. En outre, étant donné qu’un fonds permanent recueille généralement des fonds de façon continue, la question de savoir si le gestionnaire doit être inscrit à titre de courtier ou de conseiller aux termes de la législation sur les valeurs mobilières doit être examinée.
  • L’évaluation des entreprises privées est un exercice intrinsèquement difficile. L’évaluation devient une question encore plus importante dans une structure où le gestionnaire du fonds cherche à émettre de nouvelles unités en fonction de la valeur liquidative du fonds, le cas échéant, et où les rachats sont fondés sur la valeur liquidative du fonds. Les documents du fonds devront énoncer des principes d’évaluation clairs qui concilient, d’une part, le désir des investisseurs existants de ne pas être injustement dilués et, d’autre part, celui des nouveaux investisseurs de ne pas surpayer pour une valeur qui n’existe que « sur papier ».

L’économie traditionnelle des fonds de capital-risque doit être adaptée à la construction d’un fonds permanent. Plutôt que la cascade de distribution classique, les gestionnaires peuvent être mieux rémunérés dans les fonds permanents en utilisant des structures empruntées aux fonds spéculatifs. Il peut s’agir de distributions annuelles fondées sur le rendement en fonction d’un indice de « fourchette haute » ou d’autres méthodes différentes de calcul d’un rendement privilégié.

À quoi s’attendre en 2022 et au-delà

Tant que les marchés resteront actifs, les sociétés de capital-risque continueront d’explorer les moyens de suivre la dynamique du marché et d’équilibrer les désirs des investisseurs et des sociétés de portefeuille. Si les conditions demeurent réceptives au marché du capital-risque, nous nous attendons à voir davantage de fonds d’opportunités, de fonds de continuité et de stratégies de capital permanent dans l’année à venir. Chacun de ces modèles présente ses propres avantages et défis, avec lesquels les investisseurs et les gestionnaires devront continuer à composer. Il reste à voir dans quelle mesure ces modèles resteront une caractéristique du marché canadien et ne seront pas seulement une réaction temporaire à l’état actuel des choses.