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Le cannabis aux États-Unis : les lois du pays en 2019

Auteur(s) : Rob Lando

Le 13 décembre 2019

Le Canada est passé à l’histoire en octobre 2018 en devenant le premier grands pays à légaliser la « consommation par des adultes » du cannabis à des fins récréatives aux paliers fédéral et provinciaux. Ce grand tournant au Canada est d’autant plus important si l’on tient compte de l’imbroglio réglementaire aux États-Unis, où les lois étatiques légalisant le cannabis à des fins médicales ou récréatives ont continué d’être éclipsées par la loi fédérale américaine décrétant que la culture, la vente et l’utilisation de cannabis constituent une infraction fédérale dans tous les États du pays, même à des fins médicales majeures.

Le Canada a poursuivi son chemin en 2019, comme le souligne notre article sur les développements en matière de cannabis au Canada. Aux États-Unis, en cette fin d’année 2019, le cannabis est légal à des fins médicales en vertu de la législation de plus de 30 États, et est même légal à des fins récréatives pour les adultes en vertu de la législation de plus de 10 États. Toutefois, le cannabis continue de demeurer illégal dans tous les États en vertu des lois fédérales américaines – à moins qu’il ne s’agisse de chanvre.

Le CBD est partout!

Il est impossible de se promener sur les rues de la plupart des grandes villes américaines sans perdre le compte du nombre de magasins vendant du CBD sous une forme ou une autre. Mais qu’est-ce que le CBD? Le cannabidiol, que l’on appelle CBD, est un cannabinoïde qui n’a aucune propriété psychoactive. On le trouve partout aux États-Unis – dans les aliments, les boissons, les capsules, les teintures, les baumes, les vapoteurs, les huiles, les crèmes, les gels, les lotions et les potions. Même s’il ne vous fait pas planer, le CBD crée tout un engouement sur le plan de la santé, ses promoteurs vantant ses vertus pour gérer la douleur ou atténuer l’anxiété et la dépression, et citant d’autres avantages pour la santé et le bien-être.

Le CBD est le mouton blanc de la famille des cannabinoïdes. Le tétrahydrocannabinol (THC), son frère plus exubérant, est le cannabinoïde qui a un effet euphorisant. 

Depuis la fin de 2018, après la promulgation par le gouvernement fédéral de l’Agriculture Improvement Act of 2018 (la loi agricole de 2018), le marché américain du cannabis est divisé en deux conformément à la Controlled Substances Act fédérale. Une des substances interdites énumérées à l’annexe I de la Controlled Substances Act est la « marihuana ». En vertu de la définition de ce terme avant la loi agricole de 2018, tous les types de cannabis étaient une substance illégale interdite sous le régime fédéral, tout comme l’héroïne et la morphine. La loi agricole de 2018 a toutefois changé la définition de « marihuana » pour exclure le cannabis n’ayant pas plus de 0,3 % de THC en fonction du poids du produit sec, qui s’appelle désormais du « chanvre ». 

Par conséquent, le chanvre n’est plus de la marihuana aux États-Unis, même si les deux produits sont du cannabis. Seule la marihuana est interdite en vertu de la Controlled Substances Act au niveau fédéral, alors que le chanvre et les produits du CBD fabriqués à partir de chanvre ne le sont pas. Et pour ajouter à la confusion, dans une perspective transfrontalière, bien qu’il existe un régime distinct de réglementation du chanvre industriel au Canada, la Loi sur le cannabis ne fait aucune distinction à cet égard. Cela signifie que la plupart des produits du CBD actuellement vendus aux États-Unis sont assujettis au Canada à la même réglementation qui s’applique au cannabis ayant plus de 0,3 % de THC.

Malheureusement, la situation n’est toutefois pas aussi simple que d’enlever le chanvre de la définition de marihuana dans la Controlled Substances Act. Bien que les produits du CBD fabriqués à partir de chanvre ne soient plus illégaux au niveau fédéral aux États-Unis en vertu de la Controlled Substances Act, ils demeurent assujettis à la Food, Drug and Cosmetic Act fédérale américaine et, de ce fait, sont assujettis à la réglementation de la Food and Drug Administration (FDA). Si un produit du CBD est vendu en affirmant qu’il peut guérir ou prévenir une maladie, il s’agit d’un « médicament » et il doit être approuvé par la FDA avant de pouvoir être vendu aux États-Unis en conformité avec la loi fédérale américaine. 

En outre, si un produit du CBD est vendu comme additif alimentaire, il doit être approuvé par la FDA comme additif alimentaire par règlement ou s’inscrire dans les critères de la FDA à l’égard d’une substance qui est « généralement reconnue comme sûre ». Cependant, un additif alimentaire ne peut pas être considéré comme étant généralement reconnu comme sûr s’il s’agit d’un ingrédient actif dans un médicament approuvé ou un médicament à l’étude, à moins qu’il n’ait été vendu pour être utilisé dans les aliments avant d’être étudié comme médicament dans le cadre d’essais cliniques. Pour cette raison, un certain nombre de produits du CBD vendus aux États-Unis sont étiquetés comme de l’« huile de chanvre » plutôt que du CBD, puisque le CDB a vraisemblablement été étudié comme médicament avant d’être utilisé dans les aliments. 

Ainsi, la légalité du CDB en vertu de la législation fédérale des États-Unis dépend en fait de votre point de vue sur la question de savoir si des affirmations inappropriées sont faites au sujet de son utilité, si les ingrédients actifs sont suffisamment différents de tout produit ayant déjà été étudié comme un médicament sans avoir été utilisé dans des aliments avant cette date, si la FDA aura le même point de vue que vous et si un juge qui est saisi d’une procédure d’exécution aura le même point de vue que la FDA.

Ironiquement, alors que la loi fédérale est la source du problème en ce qui concerne la vente de cannabis qui a assez de THC pour être considéré comme de la marihuana dans les États où il est légal en vertu de la loi étatique, il y a une poignée d’États où le problème est le contraire, c’est-à-dire que tous les produits du THC, du CDB, de la marihuana et du chanvre demeurent illégaux au niveau étatique. 

Néanmoins, des produits du CBD sont vendus partout aux États-Unis. S’ils sont fabriqués à partir de chanvre au lieu de marihuana, qu’ils sont légaux en vertu de la loi étatique et qu’ils ne violent pas la Food, Drug and Cosmetic Act fédérale américaine, ils peuvent en fait être légaux ou assez proche de l’être pour éviter une poursuite fructueuse par la FDA.

La marihuana demeure illégale au niveau fédéral! (mais la situation est en voie de changer)

Si une plante de cannabis possède plus de 0,3 % de THC en fonction de son poids sec, la Controlled Substances Act fédérale américaine la définit comme étant de la marihuana, et non du chanvre, et elle demeure une substance interdite au niveau fédéral tout comme la cocaïne. Que la loi étatique l’autorise ou non ou qu’elle soit utilisée à des fins récréatives ou médicales n’a donc aucune importance. 

Et pourtant, la marihuana – du cannabis dont le contenu en THC est suffisant pour être intoxicant et le rendre illégal au niveau fédéral – représente une industrie de plusieurs milliards de dollars dans plus de 30 États où elle est légale en vertu de la législation de l’État. L’industrie continue de progresser parce que le risque d’application de l’interdiction en vertu de la loi fédérale est jugé plutôt faible, du moins pour les personnes qui n’ont pas de lien avec le crime organisé ou d’autres individus peu recommandables. 

Par contre, certains trouvent particulièrement difficile de prendre part à une industrie qui va à l’encontre de la législation fédérale américaine, par exemple de nombreux participants à l’industrie financière et fournisseurs de services. Bien que plus de 550 institutions bancaires et plus de 150 coopératives de crédit offrent déjà des services bancaires et financiers à l’industrie du cannabis, la plupart d’entre elles ne le font pas. Celles qui le font doivent déposer régulièrement des « déclarations d’activité suspecte » auprès du Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) et démontrer à leurs organismes de surveillance prudentielle qu’elles respectent les directives prescrites lorsqu’elles traitent avec des sociétés de l’industrie du cannabis. La plupart des grandes institutions financières fédérales n’offrent toujours pas leurs services aux producteurs de cannabis américains (à tout le moins à ceux qui produisent de la marihuana), pas plus que la plupart des maisons de courtage ou les bourses américaines. Et bien que les politiciens ne s’entendent généralement sur rien, ils sont presque tous d’avis que le fossé actuel entre la législation étatique et fédérale en matière de marihuana doit être comblé.

Trois propositions législatives distinctes sont sur la table en vue d’éclaircir la situation : la SAFE, la STATES et la MORE.

  • SAFE : La Secure And Fair Enforcement (SAFE) Banking Act (la loi SAFE) est un projet de loi visant à protéger les institutions bancaires qui exercent leurs activités dans l’industrie de la marihuana contre les mesures d’application des organismes de réglementation fédéraux des banques. Même si les institutions financières devraient tout de même se conformer aux directives du FinCEN, elles bénéficieraient de protections expresses contre la responsabilité lorsqu’elles fournissent des services financiers à l’industrie du cannabis. De plus, l’institution bancaire serait protégée contre l’annulation de sa garantie des dépôts, et le produit de la vente de la marihuana ne serait pas considéré comme un produit de la criminalité en vertu des lois fédérales sur le blanchiment d’argent. La loi SAFE a été adoptée par la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, en septembre 2019, mais malgré un certain optimisme prudent, les chances qu’elle soit adoptée par le Sénat demeurent incertaines.
  • STATES : La Strengthening the Tenth Amendment Through Entrusting States Act (la loi STATES) modifierait la Controlled Substances Act fédérale américaine pour exclure les activités impliquant la marihuana ayant lieu dans les États où ces activités sont légales en vertu de la législation étatique. Le produit de la vente de marihuana respectant la législation d’un État ne serait pas un produit de la criminalité aux fins du blanchiment d’argent ou à d’autres fins. Le projet de loi a été présenté en avril 2019, mais ne semble pas progresser rapidement.
  • MORE : La Marihuana Opportunity Reinvestment and Expungement Act of 2019 (la loi MORE) a été présentée en juillet 2019. Elle enlèverait entièrement la marihuana de l’annexe I de la Controlled Substances Act fédérale, mettant fin à son illégalité en vertu de la loi fédérale américaine à titre de substance contrôlée, même dans les États où elle n’était pas légale en vertu de la loi étatique. Mais la loi MORE en fait plus, sous forme de taxes. Le projet de loi imposerait une taxe nationale de 5 % sur les produits du cannabis (à l’exclusion du chanvre) qui sont fabriqués ou importés aux États-Unis, les fonds recueillis à partir de cette taxe devant servir à financer un certain nombre de programmes de justice sociale. Le projet de loi a été adopté par la Commission des affaires judiciaires de la Chambre des représentants en novembre 2019 et se dirige vers un vote à la Chambre complète, mais il risque peu d’être approuvé par le Sénat.

Ces tentatives législatives pour résoudre le conflit actuel entre les lois fédérales et étatiques sont courageuses, mais la loi SAFE, qui est la plus susceptible d’être adoptée, atténuerait uniquement les tensions dans le secteur financier et ne règlerait pas tous les problèmes auxquels les producteurs de marihuana font face. Et bien que la loi STATES ait des chances d’être adoptée par la Chambre des représentants et le Sénat, ce n’est pas le cas de la loi MORE, à laquelle le Sénat risque davantage de s’opposer.

Conclusion

Le CBD semble être partout cette année aux États-Unis, grâce à la loi agricole de 2018. Sa légalité en vertu de la législation fédérale est toujours controversée, mais les progrès sont considérables. En effet, ces questions relèvent maintenant de la FDA en vertu de la Food, Drug and Cosmetic Act plutôt que de la Drug Enforcement Administration (DEA) en vertu de la Controlled Substances Act. La marihuana, c’est-à-dire le cannabis ayant plus de 0,3 % de THC, demeure illégale en vertu de la Controlled Substances Act, rendant la loi fédérale incompatible avec les lois en vigueur dans la plupart des États américains. Est-ce que la loi STATES, la loi MORE ou d’autres initiatives règleront finalement ce problème en 2020? Bien qu’il soit trop tôt pour prédire ce que l’avenir nous réserve, il est possible d’entretenir de grands espoirs.