Passer au contenu

La gouvernance d’entreprise : nouvelles règles professionnelles et attentes plus élevées de la société

Auteur(s) : John M. Valley, Andrew MacDougall, Justin Sherman

Le 11 janvier 2023

La gouvernance d’entreprise liée aux facteurs ESG a connu une évolution rapide au cours de la dernière année, notamment une augmentation de l’activisme en matière de facteurs ESG, de nouvelles attentes sur le plan des obligations de divulgation d’information concernant le changement climatique et des avancées au chapitre de la diversité. Nous analysons ces événements de façon plus détaillée dans notre article sur les facteurs ESG.

Parallèlement, plusieurs changements permanents et nouveaux dans le droit des sociétés ont une incidence, moins spectaculaire toutefois, sur la façon dont les sociétés sont régies. Il s’agit notamment de changements apportés à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) en ce qui concerne l’élection des administrateurs et les propositions d’actionnaires, ainsi que des modifications apportées à la Business Corporations Act (BCA) de l’Alberta et ayant trait aux conventions unanimes des actionnaires, aux résolutions des actionnaires et à d’autres questions visant à réduire le fardeau administratif. Nous examinons les répercussions de ces changements ainsi qu’un certain nombre d’autres faits nouveaux dans des domaines tels que la réforme des lois sur les institutions financières, les exigences concernant le recours aux procurations universelles aux États-Unis et la diversité au sein des conseils d’administration.

Changements apportés aux processus liés à l’élection des administrateurs et aux propositions d’actionnaires pour les sociétés régies par la LCSA

Les modifications apportées à la LCSA et au Règlement sur les sociétés par actions de régime fédéral, 2001 (le Règlement de la LCSA) sont entrées en vigueur le 31 août 2022. Entre autres choses, ces modifications ont une incidence sur la façon dont les administrateurs des sociétés constituées en vertu de la LCSA et cotées en bourse sont élus dans le cadre d’élections sans opposition. Nous avons déjà discuté de ces changements dans notre bulletin d’actualités Osler.

Auparavant, les actionnaires des sociétés canadiennes n’avaient d’autre choix que de voter pour un candidat au poste d’administrateur ou de s’abstenir de voter. À la suite des modifications, lors des assemblées des actionnaires où le nombre de candidats est égal au nombre d’administrateurs à élire, ce que l’on appelle communément une assemblée avec vote sans opposition, les actionnaires auront désormais la possibilité de voter pour ou contre l’élection de chaque candidat. En revanche, dans le cas d’une assemblée au cours de laquelle il y a un vote avec opposition, les actionnaires continueront de n’avoir d’autre choix que de voter pour un candidat ou de s’abstenir de voter pour ce candidat.

Cette différence est importante. En vertu des nouvelles règles, lors d’une élection sans opposition, un administrateur qui ne reçoit pas au moins la majorité des voix exprimées pour son élection ne pourra pas, sur le plan du droit, être élu en tant qu’administrateur. Cela contraste avec la méthode traditionnelle d’élection des administrateurs à la pluralité selon laquelle sont élus les administrateurs ayant obtenu le plus de votes pour leur élection, jusqu’à ce que tous les postes soient pourvus. Dans une élection sans opposition, cela signifiait que même une seule voix en faveur de l’administrateur était suffisante pour garantir son élection au conseil. 

Ce changement crée certains problèmes pratiques pour un émetteur lorsqu’il envoie un formulaire de procuration aux actionnaires, car une assemblée des actionnaires peut devenir une assemblée au cours de laquelle il y a un vote avec opposition après l’envoi des documents de procuration de la société. Le Règlement de la LCSA n’a pas encore abordé ces problèmes.

La Bourse de Toronto (TSX) a déjà indiqué qu’elle estime que ces modifications satisfont aux exigences de la TSX en matière de vote à la majorité des voix pour l’élection des administrateurs. Par conséquent, les sociétés cotées en bourse régies par la LCSA devraient abroger toute politique distincte de vote à la majorité des voix adoptée à l’origine pour satisfaire aux exigences de la TSX.

Les modifications apportées à la LCSA ont également une incidence sur les délais imposés aux sociétés pour accepter les propositions d’actionnaires. L’effet pratique de ces modifications est que les actionnaires peuvent soumettre des propositions d’actionnaires plus tard durant le cycle des assemblées annuelles. Cela réduira le temps dont dispose une société pour communiquer avec les actionnaires qui font la proposition ou pour répondre d’une autre manière avant d’envoyer ses documents de procuration. Toutefois, les changements introduisent également une limite quant à la date à laquelle une proposition d’actionnaires peut être soumise avant l’assemblée annuelle. La remise des propositions d’actionnaires à l’émetteur devra précéder d’au plus 150 jours, et d’au moins 90 jours, la date anniversaire de l’assemblée annuelle des actionnaires de l’année précédente. Les changements apportés aux dates limites de présentation des propositions d’actionnaires sont en vigueur pour les assemblées des actionnaires tenues après le 31 août 2022, quelle que soit la date limite que la société aurait pu indiquer précédemment dans sa circulaire de sollicitation de procurations.

Modifications visant à moderniser la BCA de l’Alberta

En mai, des modifications apportées à la BCA de l’Alberta sont entrées en vigueur. Ces changements visent à moderniser la législation afin de réduire les formalités administratives et d’en faire une loi sur les sociétés qui est plus compétitive pour attirer et retenir les entreprises en Alberta. Les modifications ont mis à jour diverses exigences du droit des sociétés en Alberta, comme nous en avons déjà parlé.

Les changements permettent d’adopter par écrit les résolutions des actionnaires de sociétés fermées lorsqu’elles sont signées par au moins deux tiers des actionnaires, contrairement à l’exigence antérieure selon laquelle tous les actionnaires devaient signer une résolution écrite.

Les sociétés par actions de l’Alberta peuvent désormais inclure dans leurs statuts ou dans une convention unanime des actionnaires des dispositions leur permettant de renoncer à tout intérêt ou à toute attente de leur part quant à leur participation lorsqu’une occasion d’affaires précise se présente à elles ou à leurs dirigeants, administrateurs ou actionnaires. L’Alberta est la première administration au Canada à autoriser expressément ces renonciations. Ces renonciations peuvent être avantageuses pour les administrateurs et les dirigeants qui jouent un rôle au sein de multiples sociétés ou d’entreprises susceptibles de se livrer concurrence, comme c’est le cas des représentants de sociétés d’investissement privé ou de capital risque, et qui siègent aux conseils d’administration des sociétés dans lesquelles ils ont investi.

Les dispositions relatives aux plans d’arrangement de la BCA de l’Alberta ont été plus étroitement harmonisées avec celles de la LCSA, ce qui rend plus réalisables les restructurations de la dette en vertu de la BCA de l’Alberta.

Les modifications comprennent également d’autres changements visant à réduire les fardeaux administratifs. À titre d’exemple, les sociétés fermées peuvent maintenant se prévaloir d’une dispense de l’obligation de se soumettre à une vérification avec l’approbation des deux tiers des actionnaires, au lieu de l’approbation unanime des actionnaires qui était auparavant requise. De plus, la période minimale de préavis pour les assemblées des actionnaires peut être réduite à sept jours si les règlements administratifs de la société le prévoient.

Consultation sur les changements apportés à la législation relative aux institutions financières

Au cours de l’année, le ministère fédéral des Finances a mené des consultations publiques au sujet de propositions visant à moderniser la législation sur les sociétés qui s’applique aux institutions financières sous réglementation fédérale. La consultation visait à recueillir des commentaires sur l’utilisation de la notification et de l’accès et l’utilisation de l’accès tenant lieu de transmission pour la livraison électronique de documents de gouvernance aux propriétaires de ces institutions financières, tels que les actionnaires, certains titulaires de polices d’assurance et les membres de caisses populaires.

Les consultations visaient également à obtenir des commentaires sur la question de savoir si les institutions financières devraient être autorisées à tenir des assemblées d’actionnaires entièrement virtuelles, sans demander au préalable une ordonnance d’un tribunal. Le ministère des Finances sollicite également des commentaires sur la question de savoir si les exigences de divulgation en matière de diversité prévues par la LCSA devraient également s’appliquer aux institutions financières.

Les procurations universelles sont désormais obligatoires aux États-Unis

Longtemps retardées, les propositions (en anglais seulement) de la Securities and Exchange Commission des États-Unis visant à obliger les sociétés américaines à utiliser des procurations universelles lors d’élections avec opposition des actionnaires sont entrées en vigueur pour les assemblées des actionnaires tenues à partir du 1er septembre 2022. Une procuration universelle comprend les noms de tous les candidats au poste d’administrateur, y compris les candidats de la direction et les candidats dissidents, sur un seul formulaire de procuration. Cela permet aux actionnaires de choisir parmi tous les candidats nommés plutôt que de choisir des candidats uniquement à partir de la circulaire de procuration de la direction ou de la circulaire de procuration du ou des candidats dissidents.

Les nouvelles règles ne s’appliquent pas aux sociétés canadiennes qui sont des émetteurs privés étrangers ou qui ont recours au régime d’information multinational. Toutefois, les nouvelles règles pourraient exercer une influence sur les pratiques canadiennes au fil du temps.

L’accent continue d’être mis sur la diversité au sein des conseils d’administration

Le rapport annuel d’Osler Pratiques de divulgation en matière de diversité indique que les sociétés inscrites à la TSX ont franchi des étapes importantes. Parmi toutes les sociétés inscrites à la TSX et qui divulguent de l’information en matière de diversité, 26 % de tous les sièges des conseils d’administration sont désormais occupés par des femmes. Parmi les émetteurs compris dans l’indice composé S&P/TSX, plus d’un tiers des postes d’administrateur sont occupés par des femmes.

Pour les sociétés soumises aux exigences de la LCSA en matière de diversité, la représentation des personnes issues des minorités visibles ou des peuples autochtones et des personnes handicapées occupant des postes d’administrateur a légèrement augmenté. Cependant, les résultats continuent de montrer qu’il reste beaucoup à faire pour améliorer, au-delà du genre, la diversité au sein des conseils d’administration et dans les postes de haute direction.

Activisme en matière de facteurs ESG et divulgation d’information relative au changement climatique

Au cours de la dernière année, les organismes de réglementation, les actionnaires institutionnels et autres parties prenantes ainsi que les entreprises ont continué à se concentrer sur une série de questions liées aux facteurs ESG. Sur ce plan, on a assisté à une augmentation continue de l’activisme actionnarial, des litiges et des enquêtes réglementaires concernant des allégations d’« écoblanchiment », et un certain nombre d’exigences de divulgation d’information relative au changement climatique ont été proposées au Canada et à l’étranger. Pour une discussion plus approfondie de ces questions, voir notre article sur les facteurs ESG.

Conclusion

Hormis les progrès relatifs aux facteurs ESG, 2022 a été une année relativement calme sur le plan de l’évolution de la gouvernance d’entreprise. Toutefois, les changements apportés aux règles relatives aux propositions d’actionnaires et à l’élection des administrateurs en vertu de la LCSA auront d’importantes conséquences pour les assemblées des actionnaires des sociétés régies par la LCSA au cours de la prochaine saison des procurations. De plus, la nouvelle exigence relative aux procurations universelles aux États-Unis pourrait avoir, au cours des années à venir, une incidence sur les assemblées des actionnaires comportant un vote avec opposition. Et le rapport du Comité sur l’avenir de la gouvernance d’entreprise au Canada, publié en décembre 2022 et parrainé par l’Institut des administrateurs de sociétés et le groupe TMX, fournit des conseils supplémentaires sur la gouvernance d’entreprise aux administrateurs.