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Gouvernance d’entreprise : évolution des tendances en 2019

Auteur(s) : Andrew MacDougall, John M. Valley

Le 13 décembre 2019

Les développements concernant la gouvernance d’entreprise au Canada en 2019 ont reflété l’évolution de certaines tendances. Celles-ci comprennent une attention soutenue portée aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), notamment la diversité et le changement climatique, ainsi que la publication du rapport tant attendu de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) sur la réduction du fardeau réglementaire. Des changements aux États-Unis concernant la réglementation des agences de conseil en vote pourraient également entraîner un examen plus approfondi de cette question au Canada.   

Diversité

Comme nous l’avons expliqué dans notre cinquième rapport annuel exhaustif sur les pratiques de divulgation en matière de diversité des entreprises inscrites à la cote de la TSX, les sociétés canadiennes ont atteint cette année certains objectifs clés sur le plan de la diversité. Plus du tiers des sièges devenus vacants ou nouvellement créés dans les conseils d’administration ont été pourvus par des femmes. La majorité des entreprises ayant fait savoir si elles ont adopté une politique écrite en matière de diversité affirme désormais que la politique vise expressément la recherche et la sélection de candidates aux postes d’administrateurs. Plus des trois quarts des entreprises comptent au moins une administratrice et plus d’un tiers d’entre elles en comptent deux ou plus. Ainsi, les femmes occupent désormais 18,2 % des sièges des conseils d’administration de l’ensemble des entreprises, et 30 % des sièges des conseils d’administration des sociétés composant l’indice S&P/TSX 60, conformément à l’objectif du 30 % Club.

Toutefois, la croissance de la proportion d’administratrices ralentit d’année en année, et la représentation des femmes au sein de la haute direction augmente peu. 

Les investisseurs prêtent toujours autant d’attention à la mixité et ils manifestent leur intérêt en s’abstenant de voter ou en votant contre les administrateurs de conseils d’administration qui n’ont pas adopté de mesures pour augmenter la proportion de femmes siégeant à leur conseil. 

Cette année, la cadence des initiatives législatives concernant la diversité s’est accélérée. En 2019, le Canada est devenu le premier territoire de compétence à exiger la divulgation de la diversité au-delà du genre. À compter du 1er janvier 2020, les sociétés régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et dont les titres sont négociés en bourse, y compris les émetteurs émergents, seront tenues de fournir aux actionnaires des renseignements sur leurs politiques et pratiques en matière de diversité au sein du conseil d’administration et de la haute direction. Ces renseignements comprennent le nombre et le pourcentage de membres du conseil et de la haute direction qui sont des femmes, des Autochtones, des membres de minorités visibles et des personnes ayant une incapacité. En outre, l’État de la Californie a adopté une loi visant à imposer des quotas alors que l’État de l’Illinois exige maintenant la divulgation d’information sur la diversité; dans les deux cas, les mesures s’appliquent aux sociétés constituées en vertu des lois de l’État ou exerçant leurs activités sur son territoire. 

Changement climatique

Le 1er août 2019, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont terminé, après deux ans et demi, leur examen de l’information communiquée sur le changement climatique en publiant l’Avis 51-358 du personnel des ACVM Information sur les risques liés au changement climatique. Les ACVM ont choisi de fournir des indications plutôt que de modifier les exigences de communication en place. L’Avis du personnel confirme que l’obligation de présenter de l’information doit être évaluée selon son importance (c’est-à-dire si l’information est susceptible d’influencer la décision d’un investisseur raisonnable d’acheter, de vendre ou de conserver des titres de l’émetteur), mais il présente également des indications sur l’évaluation de l’importance des risques à long terme qui sont difficiles à quantifier, comme le changement climatique. L’Avis du personnel réitère aussi que l’information communiquée volontairement devrait être établie avec la même rigueur que l’information devant obligatoirement être divulguée.

Réglementation visant les agences de conseil en vote

Au mois d’août, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a publié des lignes directrices, dont il est question dans notre bulletin d’actualités Osler intitulé « La SEC publie des lignes directrices sur les activités des agences de conseil en vote » et publié sur le site osler.com. Dans ses lignes directrices, la SEC indique que les communications portant sur des recommandations de vote des agences de conseil en vote constituent des « sollicitations » assujetties à la réglementation de la SEC qui interdit les déclarations fausses ou trompeuses graves. La SEC a également énoncé des lignes directrices sur les responsabilités des conseillers en placements qui ont recours aux agences de conseil en vote qui offrent des services de recherche ou des recommandations de vote, notamment leur responsabilité d’évaluer la capacité, la compétence et la méthodologie des conseillers en vote dont ils retiennent les services et les politiques et procédures de l’agence de conseil en vote sur les conflits d’intérêts.

Au mois d’octobre, Institutional Shareholder Services (ISS) a intenté une poursuite devant la District Court des États-Unis pour le district de Columbia afin de contester la compétence de la SEC, en faisant valoir que ses activités ne constituent pas des sollicitations et que les lignes directrices de la SEC représentent une modification importante qui aurait dû être soumise à un examen par voie d’avis et d’observations.

Le 5 novembre 2019, la SEC a proposé des modifications à ses règles sur les procurations afin d’encadrer certaines des activités exercées par ces agences. Ces modifications sont résumées dans notre bulletin d’actualités Osler intitulé « La Securities and Exchange Commission propose des modifications aux règles sur les procurations s’appliquant aux agences de conseil en vote » qui a été publié sur le site osler.com. Les modifications proposées visent à changer la définition du terme « sollicitation » pour qu’elle comprenne expressément les activités exercées par les agences de conseil en vote et à exiger que ces agences :

  • divulguent les conflits d’intérêts dans tous leurs rapports;
  • fournissent aux émetteurs et à certaines personnes sollicitant des procurations une ébauche préliminaire de leurs conseils proposés et une occasion de l’examiner et de la commenter avant qu’elle ne soit finalisée (une période d’examen de cinq jours ouvrables si la circulaire a été déposée au moins 45 jours avant la date de la réunion, une période d’examen de trois jours ouvrables si la circulaire a été déposée au moins 25 jours avant la date de la réunion et aucune période d’examen si la circulaire a été déposée moins de 25 jours avant la date de la réunion);
  • fournissent aux émetteurs et à certaines personnes sollicitant des procurations une copie des conseils définitifs au moins deux jours avant leur diffusion et, à la demande de l’émetteur ou de la personne sollicitant des procurations, qu’elles insèrent dans le rapport du conseiller en vote un hyperlien, ou l’équivalent, vers une déclaration écrite de l’émetteur ou de la personne sollicitant des procurations exposant son opinion sur les conseils formulés par l’agence de conseil en vote.

Il est probable que les lignes directrices et l’approche réglementaire de la SEC concernant les agences de conseil en vote influent sur les pratiques des agences de conseil en vote et sur celles des conseillers en placements qui retiennent leurs services, et ce, tant au Canada qu’aux États-Unis. Si les modifications proposées par la SEC sont adoptées, les ACVM pourraient choisir de reconsidérer les lignes directrices qu’elles ont formulées dans l’Instruction générale 25-201 – Indications à l’intention des agences de conseil en vote ou d’adopter des mesures pour encadrer les activités des agences de conseil en vote conformes aux règles définitives adoptées par la SEC.

Initiative de réduction du fardeau de la CVMO

En novembre 2019, la CVMO a publié un rapport résumant plus de 100 mesures particulières qu’elle a prises ou qu’elle prendra pour réduire le fardeau réglementaire des émetteurs de l’Ontario. Ce rapport découle d’un précédent Avis du personnel de la CVMO publié en janvier 2019 et fait suite à une consultation menée auprès des participants au marché par le groupe de travail sur la réduction du fardeau réglementaire de la CVMO, mis sur pied en novembre 2018. La consultation portait sur l’inscription, la conformité, les fonds d’investissement, la négociation, les marchés, les exigences des émetteurs et les règles sur les instruments dérivés.

Comme nous l’avons mentionné dans notre bulletin d’actualités Osler intitulé « La CVMO publie un rapport anticipé sur le groupe de travail sur la réduction du fardeau réglementaire », qui a été publié sur le site osler.com, la CVMO a confirmé que les recommandations contenues dans le rapport étaient guidées par le principe de « règlement proportionnel », qu’elle définit comme une réglementation où les coûts imposés aux parties prenantes sont proportionnels aux avantages. Le « règlement proportionnel » évite d’adopter une approche universelle en prenant en compte les effets sur les sociétés de différentes tailles. En outre, elle reconnaît qu’il y a différentes façons d’atteindre des objectifs, elle tient compte des commentaires des parties prenantes et elle est souvent mise à jour afin d’encourager l’innovation. La CVMO a également confirmé que son approche réglementaire idéale consiste à « combiner des règles fondées sur des principes, des règles prescriptives et des indications, et à conserver un équilibre entre elles ». 

Le rapport résume une variété d’initiatives qui sont terminées, qui ont été publiées pour consultation, qui sont examinées par la CVMO ou que la CVMO s’est engagée à examiner à l’avenir. Voici les points saillants :

  • l’établissement d’un ensemble de normes de service plus claires aux fins des inspections de conformité
  • un examen de l’harmonisation des exigences relatives aux états financiers (qui doivent être inclus dans un prospectus ordinaire) se rapportant à l’« activité principale » d’un émetteur
  • la demande de la CVMO concernant le pouvoir de prendre des « décisions générales » — c.-à-d des décisions de dispense générale applicables à tous les participants, plutôt que des décisions propres à des émetteurs précis
  • l’option pour les sociétés inscrites d’embaucher un chef de la conformité auprès d’une autre société inscrite externe et indépendante
  • l’adoption, à l’échelle nationale, de règles sur le financement participatif simplifiées pour les sociétés émergentes
  • la prestation de services confidentiels d’examen de prospectus avant qu’une société lance un premier appel public à l’épargne
  • l’élimination des exigences redondantes en matière de dépôt pour les fonds d’investissement.

Récompenses de dénonciation

En février 2019, dans le cadre de son Programme de dénonciation, la CVMO a annoncé qu’elle avait accordé les toutes premières récompenses jamais attribuées par un organisme de réglementation des valeurs mobilières au Canada. La CVMO a révélé que trois dénonciateurs, dans des affaires différentes, ont reçu au total 7,5 millions de dollars pour lui avoir fourni des « renseignements de haute qualité, opportuns, précis et crédibles, ce qui a permis de mettre de l’avant des mesures d’application qui ont donné lieu à des paiements monétaires à la CVMO ». L’Ontario est l’unique province ou territoire du Canada à offrir un incitatif économique afin d’encourager la communication de renseignements sur des inconduites liées aux valeurs mobilières, sous réserve de certaines restrictions. Maintenant que l’on sait que la CVMO a versé des paiements dans le cadre de son programme, d’autres dénonciateurs pourraient être encouragés à communiquer leurs préoccupations directement à l’organisme de réglementation.

Modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA)

En plus des modifications concernant la diversité, d’autres changements à la LCSA ont été approuvés cette année. Par exemple, les sociétés fermées qui sont régies par la LCSA doivent établir et tenir un registre des particuliers ayant un contrôle important, une exigence qui est entrée en vigueur le 13 juin 2019. La police, les autorités fiscales canadiennes et les organismes d’enquête prescrits doivent pouvoir consulter ce registre, s’il est utile à une enquête. Les provinces de la Colombie-Britannique et du Manitoba ont adopté des exigences similaires visant un tel registre.

Certaines des autres modifications adoptées cette année ne sont pas encore en vigueur, mais elles pourraient avoir des répercussions futures importantes, notamment :

  • la présentation d’information concernant le bien-être des employés, des retraités et des bénéficiaires de prestations de retraite;
  • la présentation d’information concernant les arrangements en matière de récupération de la rémunération;
  • des exigences obligatoires concernant les votes consultatifs sur la rémunération;
  • de nouvelles dispositions sur l’obligation fiduciaire des administrateurs qui permettront expressément à ces derniers de tenir compte d’intérêts particuliers, notamment les intérêts des actionnaires, des employés, des retraités et des bénéficiaires de prestations de retraite, des créanciers, des consommateurs et des gouvernements, ainsi que de l’environnement et des intérêts à long terme de la société. Reste à voir si cette modification augmentera la probabilité qu’un tribunal parvienne à la conclusion que ces parties prenantes sont des demandeurs autorisés à se prévaloir des recours en cas d’abus et de l’action dérivée.

Au Canada, les modifications adoptées en 2019 présentent un mélange hétéroclite de questions qui favorisent principalement les actionnaires et les autres parties prenantes. Compte tenu des modifications apportées ou proposées visant les sociétés régies par la LCSA et les agences de conseil en vote, la prochaine année sera des plus intéressantes.